Inutile de préciser que je n’ai pas passé une bonne nuit. Mais bon, il y a pire dans la vie, non ?  Au petit matin, alors que la ville ne s’est pas encore débarrassée des brumes, un corbeau pie vient frapper à ma fenêtre. Je le trouve bien curieux. Et pas farouche pour un sou. Dommage que le carreau de la fenêtre ait été aussi sale !

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Après un petit déjeuner correct, nous nous séparons, mes collègues et moi pour interviewer, chacun de notre côté des acteurs de la filière café. En ce qui me concerne, je n’ai à mon programme que le représentant local d’une des entreprises rencontrées à Conakry. Tous les acheteurs de café et de cacao ont leurs magasins dans le marché central, juste en face de notre hôtel. Mon interlocuteur ne déroge pas à la règle. Je le retrouve à 8 heures et nous partons à pied dans une ruelle en face de l’hôtel et qui s’enfonce entre les baraques du marché. N’allez pas vous imaginer de grands magasins avec quai de chargement, bureaux et tutti quanti. Ce ne sont que des pièces aux dimensions modestes, de 50 à 100 m2 grand max. 70 m2 pour celui que me fait visiter mon interlocuteur. Mur en durs sur dalle de béton en bon état, toiture de tôle sur une charpente en bois. Il à l’air sain et propre et est bien rangé. Et pour cause… il est complètement vide. Il est vrai que la récolte du café ne fait que commencer. Je note la bascule à plateau de 200 kg à l’entrée mais surtout l’absence de palettes pour isoler les sacs du sol. Mauvais point !

Mon guide m’entraine ensuite dans un magasin plus petit dans lequel je rencontre une petite dizaine de commerçants. Ce sont les grossistes qui achètent le café pour le compte de mon guide.

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Ces commerçants achètent le café à des collecteurs qui viennent le livrer dans leurs magasins à Gueckedou. Les collecteurs achètent eux même à des pisteurs qui eux sillonnent les villages à la rencontre des producteurs. Les commerçants préfinancent les activités des collecteurs qui à leur tour préfinancent les pisteurs qui achètent le café au comptant par petites quantités : 100 à 200 kg. Mais les petits ruisseaux finissent par faire de grandes rivières de café vert.

La discussion durera 3 bonnes heures dans une ambiance sympathique. Mes interlocuteurs répondent sans difficultés à la plupart de mes questions. Bon, il faut revenir à la charge, reformuler et tourner plusieurs fois autour du pot pour obtenir des réponses à des questions sensibles comme les prix d’achat.  Surtout, il faut du temps pour arriver à se mettre d’accord sur la réalité que recouvrent certains mots comme « collecteurs » ou « pisteur ». Le prix plancher officiel n’est pas respecté. Il n’avait même pas été fixé en ce début de campagne 21/22 ! Au moment de mon passage, les commerçants achetaient le café vert rendu Guéckédou à 15 000 Francs Guinée (1,5 €)/kg. Collecteurs et pisteurs prennent bien évidemment leur marge pour couvrir leurs frais (sacs, transport, manutention…) et se rémunérer. Du coup les producteurs perçoivent au mieux 10 000 FG/kg. C’est peu. Mais il n’y a quasiment pas d’organisations des producteurs et sans les pisteurs et les collecteurs, leur café n’atteindrait pas les marchés.

Chacun des commerçants présents avait son propre magasin. Une seule pièce de 30 à 50 m2.  La dalle a été façonnée de manière à créer un creux sur l’arrière de la pièce. Les sacs de café sont versés dans ce creux. Au fond du magasin il y avait un tas d’environ 1 tonne de café vert qui attendait un tri grossier par vannage manuel pour éliminer une partie des corps étrangers et des fausses graines avant d’être reconditionnés dans des sacs et expédiés aux exportateurs à Conakry. Une bonne odeur herbacée se dégageait du stock de café.

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta
Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Devant le magasin en face de la rue, du cacao s échait sur des bâches. Il s’agit bien de cacao guinéen. Ma curiosité est la plus forte et j’ai vite fait de demander un couteau pour réaliser un rapide test de coupe. Il confirmera ce que je pressentais à la vue des fèves très claires. Le cacao est très mal fermenté avec des taux de violettes de près de 50 % et beaucoup de fèves ardoisées. A peine 10 % des fèves étaient correctement fermentées ! En fait, une grosse part du cacao que l’on trouve sur les marchés de Guinée forestière provient, en contrebande, de Côte d’Ivoire. Celui là est bien fermenté et bien séché !

Nous nous retrouvons tous les trois en fin de matinée et nous prenons immédiatement la route pour Macenta. Nous allons traverser une zone de savane arborée plutôt plate. Avec toutefois quelques reliefs granitiques comme ce beau pain de sucre qui domine la savane.

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Sur la route nous retrouvons les cerises de café séchant sur le goudron. Avec une nouveauté : le décorticage « pneumatique ». Une fois sèches, les cerises sont étalées au milieu de la chaussée et chaque véhicule qui passe va contribuer à débarrasser les grains des restes de la pulpe séchée. Nous n’avons pas pu voir le résultat de près mais il est peu probable que les pneus des voitures puissent enlever le parche (la fine enveloppe qui recouvrent les grains de café) et qu’un passage par un décortiqueur mécanique, ou un pilage manuel au mortier soit nécessaire.

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta
Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Nous arrivons à Macenta en fin d’après-midi. L’entrée des principales villes de Guinée est marquée par des arches comme celle-ci. Elles sont toutes plus ou moins identiques et ont été construite à quelques km avant l’entrée dans l’agglomération.

Le relief est plus marqué à l’approche de Macenta. Mais il ne reste plus grand-chose de la forêt et la province porte bien mal son nom de Guinée Forestière

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta
Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Un gros bloc de granit à peine recouvert d’une végétation rase, domine l’Est de la vile

Gueckédou et trajet jusqu'à Macenta

Ah oui, j'allais oublier de préciser que nous logeons à l'hôtel "le Macenta' à la sortie de la ville. Certainement le plus bel hôtel de notre périple. Construit par un ancien ministre, il est géré par un sénégalais. Il est très propre, clair, spacieux, confortable. Et on y mange bien... un peu trop pimenté peut-être mais je ne crains pas !

Tag(s) : #Guinée, #café, #Gueckedou
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